Claude Gravereaux, héros de guerre

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L’Armée donne des funérailles militaires ici
au « symbole d’une volonté française impérissable »

Traduction de l’article faite par Anne Gravereaux

1943-11-25 New-York Times (OG) v2b_wpLe Lieutenant Claude Gravereaux, blessé à Namur en 1940, s’était engagé à nouveau pour aider les forces des États-Unis en Afrique

Le Lieutenant Claude Gravereaux, un soldat de la France Libre qui a reçu la Croix de Guerre et la Médaille militaire pour héroïsme pendant la retraite française en Belgique, a reçu hier des funérailles militaires à Governors Island avant le départ de son corps pour le cimetière d’Arlington. L’officier qui, selon l’éloge donné par Maj. Jean de Lustrac de la Mission militaire Française, « est un symbole de la volonté impérissable de ses compatriotes », est mort dimanche à l’âge de 30 ans.

Le parcours militaire du Lieutenant Gravereaux a commencé en 1939 avec l’invasion allemande. Marié et père de deux enfants, il quitta son poste du bureau parisien de la compagnie de publicité McCann-Erickson inc., 50 Rockefeller Plaza, pour se porter volontaire dans l’armée française.  En 1940, alors caporal d’une escouade d’artillerie à Namur, il fut blessé et fait prisonnier, mais s’évada.

Après l’armistice, M. Gravereaux rejoint sa famille en France non occupée. Ils partirent pour Lisbonne et les États-Unis. Là, il recommença à travailler à McCann-Erickson comme vice-directeur artistique.  Un troisième enfant naquit dans la famille installée au 184 South Avenue, New Canaan, Connecticut.

Pendant ce temps, une opération était nécessaire pour la blessure qu’il avait reçue à Namur. La moitié de la mâchoire inférieure de M. Gravereaux fut enlevée.  Une fois guéri, il s’engagea dans l’Armée française de Libération, reçut une formation d’officier à Fort Benning, Géorgie, et Fort Knox, Kentucky, et partit de là pour Casablanca.  Là, il fut attaché à une unité de destroyer de chars (tank destroyer) en tant qu’officier de liaison avec l’armée américaine.

Le mois dernier, des complications de sa blessure et de son opération se sont déclarées. L’officier fut transporté à l’hôpital militaire de Casablanca. Son état s’aggrava. Il y a quinze jours, le Général Henri Giraud, Commandant des forces françaises en Afrique, cita le lieutenant pendant une cérémonie dans la cour de l’hôpital.

L’officier malade, blond, blême et faible, réussit avec l’aide d’une injection à traverser la cour et à se tenir au garde-à-vous pendant que la citation était lue :

« La Médaille militaire est remise au Lieutenant Claude Gravereaux, un volontaire français gravement blessé au cours de la campagne de 1939-1940, qui n’a pas hésité malgré son infirmité à s’engager dans l’Armée de Libération pour reprendre le combat contre l’ennemi héréditaire. Il a ainsi donné l’exemple le plus pur de courage et de patriotisme.  La citation présente porte avec elle l’attribution de la Croix de Guerre avec honneurs (with palms) ».

Quelques jours après, le Lieutenant Gravereaux découvrit que sa condition était sans espoir. Il était résolu à revenir en Amérique pour passer ses derniers jours avec sa famille. Sa détermination à rassembler ses forces fut si forte que les autorités consentirent à lui trouver un passage dans un bombardier pendant la semaine. Ayant peur que ce ne soit trop tard, il sortit en cachette de l’hôpital et acheta un billet d’avion. Il atterrit à Dakar le 15 novembre, pour découvrir alors qu’il n’y avait aucun moyen de transport disponible pour l’Amérique du Sud.

Il plaida sa cause et parvint à obtenir une place dans un avion postal. Au Brésil, il fut forcé de faire la même chose. Jeudi dernier il est arrivé à Washington, prit un train pour New York et alla à l’appartement de son beau-frère, Frederik Atwood, au 925 Park Avenue. Le lieutenant fut emmené au Columbia-Presbyterian Medical Center où il mourut.

Les obsèques hier eurent lieu dans la Chapelle catholique sur l’île. Sur les marches de la Chapelle le Capitaine L.A.Fischer, Aumônier du poste (Post Chaplain) a épinglé les médailles du lieutenant sur le manteau de madame Gravereaux, Edna Jacqueline Hollingsworth de son nom de jeune fille. Elle partira aujourd’hui pour Washington, où sera enterré demain son mari. Leurs enfants John, 6 ans, Daniel, 4 ans et Stephen, 2 ans, étaient restés à New Canaan.

New York Times – Publié le 25 novembre 1943