Ils étaient presque tous là, les descendants du créateur de la roseraie de L’Haÿ, des arrières petits-enfants avec leurs conjoints et leurs propres enfants… et ils entouraient les petits-enfants de Jules Gravereaux encore vivants : Hélène Ballu, Marie-Thérèse Ballu, Bernard Gravereaux, Jacqueline Gravereaux (Fanet), Jean-René Gravereaux, Nicole Gravereaux (Drouet) et Suzanne Gravereaux (Marret). Photo-reportage»»»
Pour savoir qui est sur la photo, consulter Participants à la cousinade (3 juin 1994)…
À cette occasion, Jean-René Gravereaux prononçait le discours suivant :
Ayant le triste privilège d’être le doyen des descendants de Jules Gravereaux portant le nom, il me revient le difficile honneur de dire quelques mots à l’occasion de cette belle réunion de famille.
Nous connaissions tous Jules Gravereaux, notre aïeul, comme rosiériste distingué : « Rosiériste : celui qui aime les roses, qui cultive les rosiers ». Or, comme vous probablement, j’ai appris, en visitant l’exposition du Centenaire, qu’il était connu comme Rhodologue : « celui qui étudie et fait des recherches sur la rose ».
Aujourd’hui même, à l’auditorium de L’Haÿ, des rhodologues du monde entier se sont réunis en colloque sur le thème de l’« Avancée de la rose ». Vous avez pu croiser quelques-uns de ces chercheurs, visitant comme vous la roseraie et l’exposition.
Jean-Luc Marret, fils de Suzanne, a participé à ces travaux, étant lui-même en recherche sur les créations faites à L’Haÿ.
Je ne me sens guère qualifié pour parler de Jules Gravereaux en tant que rhodologue; l’exposition que vous avez visitée le relate très bien. J’ajouterai simplement tout l’intérêt et la sympathie que portent les organisateurs du Centenaire de la roseraie à celui qu’ils appellent Gravereaux comme on le fait pour les hommes importants.
La roseraie de L’Haÿ est maintenant considérée comme un bien national, comme le musée vivant de la rose, dans ce cadre merveilleux, voulu et dessiné par notre ancêtre et par Édouard André. Un musée a pour tâche première – et j’en sais quelque chose – la conservation des collections. C’est difficile lorsqu’il s’agit d’un musée de plantes qui vivent et meurent, et ce, particulièrement dans le domaine de la rose où il se crée chaque année de nouvelles espèces.
À L’Haÿ, on conserve et on conservera toujours les roses anciennes dans leur cadre considéré comme le sanctuaire de la rose. En complément de L’Haÿ, le Conseil général du Val-de-Marne va créer une nouvelle et vaste roseraie à Vitry, qui sera consacrée aux roses nouvelles (à Vitry où est né Jules Gravereaux et où sont inhumés ses parents).
Le parc de L’Haÿ a presque doublé depuis l’acquisition de dix hectares d’un parc mitoyen; il est tenu impeccablement dans le style un peu anglais qui fait pendant au dessin classique de la roseraie. L’ancienne maison de notre famille, dite maintenant « Maison Empire », est la demeure du sous-préfet du Val-de-Marne qui a bien voulu nous y accueillir aujourd’hui.
La mémoire de Jules Gravereaux est pieusement conservée aux archives du Val-de-Marne. Il serait souhaitable que des membres de notre famille y fassent des apports de documents, de photos, d’objets dans le même esprit qu’a été fait don par Guy Villeminot des films conservés par son père, Marcel Villeminot.
Nous pouvons être fiers de l’œuvre de notre aïeul et, à mon sens, très satisfaits d’une conservation si impeccablement réalisée par le département du Val de Marne qui y consacre des sommes très importantes et envisage même de reconstituer à l’identique le théâtre de la rose.
Je voudrais évoquer ceux qui ont été marqués par L’Haÿ et particulièrement mon oncle, le colonel Henri Gravereaux, à qui nous devons probablement le maintien de la roseraie. Hubert Gravereaux, son fils, s’est employé à ce que le nom de Jules Gravereaux soit régulièrement rappelé à une époque où ce n’était pas le cas. J’ai recueilli de lui, par hasard, un petit livre de poèmes où il est question de la rose. Je ne peux m’empêcher de vous en lire la dédicace : « Pour Jean-Claude Pascal, ce petit livre, dans lequel j’ai mis le cri déchirant d’un homme face à sa solitude ».
II faut ajouter le remarquable travail sur la généalogie de la famille qu’a fait Hélène Ballu il y a quelques années et qui, depuis sa parution, a été le livre essentiel de référence pour chacun de nous.
J’en finirai avec ce sujet de la rose en faisant appel à ceux qui possèdent un coin de terre, pour qu’ils réservent une place privilégiée à la rose. Que dans la région parisienne, en Berry, en Gâtinais, au Pays Basque, en Touraine, ou ailleurs en France ou à l’étranger, il soit créé de petites roseraies en hommage à notre ancêtre. Au Canada, c’est bien amorcé, malgré la difficulté d’adaptation au grand froid, par Ken Calder et Jean-Luc Marret.
Tout cela, cette roseraie, ce parc ont pu être créés grâce à une fortune faite rapidement comme cela était fréquent au 19e siècle. Aux « œuvres » du Bon Marché, il faudrait, à mon sens, ajouter celle indirecte, de la roseraie de L’Haÿ, où notre ancêtre a dépensé une partie de sa fortune. Les réceptions souvent fastueuses comme celle du roi de Bulgarie qui a fait l’objet de la couverture de l’Illustration de janvier 1910, ou les spectacles donnés au théâtre de la rose n’étaient pas destinés au prestige de Jules Gravereaux ou de sa famille, mais à la promotion de la rose. C’est dans ce même esprit qu’il a participé à la création de la roseraie de Bagatelle et de celle de Malmaison.
Dans un petit livret de notes qu’il tenait, Jules se révèle être un homme simple, bon, affectueux et attentif envers ses enfants. Quelle joie donc pour cet homme de voir aujourd’hui sa descendance, les tout-petits, les jeunes, les moins jeunes, réunis autour de son souvenir et de son œuvre.
Ce soir nous pensons à toi. Grand-père Jules, avec beaucoup d’émotion…