Des abris souterrains

Dans les années 1930, les Établissements Gravereaux décident de se relancer dans la production de masques à gaz et, en même temps, de fabriquer du matériel de protection civile.

Ils travaillent, en particulier, à la conception d’abris souterrains et construisent un modèle dans la cour de l’usine, à Boulogne-sur-Seine…

Le Brevet, tel que déposé au Royaume-Uni

(Le brevet – traduction libre)

Nous, Raymond Gravereaux, citoyen de la République française, au 12, avenue Emile Acollas, Paris, et Godefroy Schindler, citoyen de la Confédération suisse, au 197, rue de l’Université, Paris. France, déclarent par la présente la nature de la présente invention et de quelle manière celle-ci doit être réalisée, à décrire et à vérifier en particulier dans et par la déclaration suivante :

Cette invention concerne les abris souterrains.

Selon l’invention, l’abri est constitué d’une sorte de cloche cylindrique divisée par planchers en une pluralité d’étages qui communiquent ensemble au moyen d’un escalier hélicoïdal disposé au centre, chaque étage ayant par conséquent une forme annulaire ; la largeur de cet anneau est suffisante pour que les personnes à abriter puissent s’allonger côte à côte radialement.

Cette cloche est construite comme un caisson en béton armé adapté pour être enfoncé dans le sol par enlèvement progressif de ce dernier sous la base du caisson. À cette fin, l’escalier central et la coupole ou le dôme formant le sommet de cette cloche sont de préférence construits ou placés en position seulement après que la terre excavée a été complètement enlevée, cette procédure permettant aux ouvriers d’extraire facilement ladite terre par le haut.

Des dispositions sont prévues pour assurer le renouvellement ou la purification de l’air dans tout l’espace intérieur de l’abri et permettre aux personnes qui s’y trouvent de vivre dans ledit abri pendant une longue période.

Une forme de construction d’un abri selon cette invention est illustrée, à titre d’exemple, dans le dessin schématique qui l’accompagne.

La Fig. 1 est une coupe verticale de cette forme de construction.

Les figures 2 et 3 sont des sections horizontales réalisées selon les lignes II-II et III-III de la fig. 1.

La Fig. 4 est une coupe transversale d’une galerie d’entrée.

Les figures 5, 6 et 7 sont des sections verticales montrant les phases de la construction et de l’enfoncement de l’abri.

Cet abri est constitué d’une cloche comprenant une partie cylindrique a et une coupole b, et divisé en étages par plusieurs planchers c, dont la hauteur peut être juste suffisante pour permettre aux occupants de se lever. Au centre, un escalier hélicoïdal d constitue une communication entre les différents étages. Sur chaque étage, qui a une forme annulaire, sont disposés, côte à côte, un certain nombre de couchettes e orientées radialement, où les occupants peuvent s’allonger, la tête vers l’extérieur et les pieds vers le centre. À chacun de ces étages, une zone f est réservée et aménagée en toilettes. L’étage inférieur, qui n’a pas de plancher, est réservé comme annexe pour la cuisine j, l’infirmerie h, les machines j, etc.

La ventilation en cycle fermé est obtenue au moyen d’un ventilateur (non représenté) disposé en f et produisant une circulation d’air dans tous les étages de l’abri. À cet effet, un puits de ventilation k est prévu d’un côté à travers lequel l’air est forcé dans une série de conduits de fumée m s’étendant à partir de ce puits et disposés immédiatement sous le plafond de chaque étage de manière à distribuer l’air à travers les bouches d’aération m1. Un puits n est disposé dans l’axe de la cloche et communique avec chaque étage par un évent n1 adjacent au plancher de chaque étage et un conduit de fumée o transporte l’air impur dans l’arbre n vers la machinerie j, où il est purifié, libéré du dioxyde de carbone et rechargé en oxygène par tout dispositif approprié, avant d’être à nouveau forcé par le ventilateur dans l’arbre de ventilation k.

La ventilation peut également être effectuée, lorsque cela est possible, au moyen d’un puits situé à l’extérieur de l’abri, prenant de l’air pur, par exemple à environ 30 mètres au-dessus du sol, et relié au ventilateur f, par exemple, par un conduit de fumée p (Figure 3); l’air vicié est ensuite évacué vers l’atmosphère par un autre conduit p1 s’étendant à partir de l’arbre de retour axial n. Ces deux conduits peuvent en outre être reliés dans un seul conduit cloisonné longitudinalement, ou ils peuvent être prévus à q q (fig. 2 et 4) dans les deux côtés d’une galerie d’entrée r s’étendant à partir des caves d’une maison adjacente et s’ouvrant dans la cloche, cette galerie étant suffisamment haute pour permettre aux personnes de passer.

La partie cylindrique a de la cloche est en béton armé, le béton étant coulé entre des tubes en béton s s1 qui sont progressivement soulevés, et éperonnés ou vibrés par tout moyen approprié.

La base de la partie a est de préférence de la forme d’un couteau annulaire a1 ayant une section de coin facilitant l’enfoncement de la cloche. Les planchers annulaires c sont également en béton armé proportionnellement à la montée s du mur.

Les figures 5 à 7 permettent de comprendre le mode de construction de l’abri. La manipulation des tubes et autres moules ou faux travaux pour le béton, la terre excavée, etc., est facilitée par l’utilisation d’échafaudages ou d’une grue mobile disposée au-dessus du chantier. L’évacuation de la terre excavée, au moyen d’un seau u (fig. 6), s’effectue facilement par des ouvertures dans les planchers, car le puits n et l’escalier d ne sont construits que lorsque la cloche a été enfoncée. Lorsqu’elles sont achevées et que l’équipement interne est suffisamment avancé, la coupole b est construite, et il faut veiller à fournir dans ladite coupole un réservoir adapté pour contenir une quantité suffisante d’eau potable. À cette fin, un étage b1 peut d’abord être construit au moyen de faux travaux ou de moules, et sur cet étage b1 est ensuite placé un réservoir y en forme de segment de sphère, qui est finalement recouvert d’une couche de béton b11.

Sur le dessus de l’abri sera finalement placée une épaisse couche de terre, de sable ou d’autres matériaux appropriés.

La disposition de cet abri permet de lui donner une grande capacité bien que son diamètre soit relativement petit, de sorte qu’il peut être facilement construit dans les cours des bâtiments.

Il est entendu que la forme de construction illustrée n’est donnée qu’à titre d’exemple, et que le nombre et la forme des étages superposés, les détails de l’équipement de chacun d’eux, les dispositions servant à la ventilation, etc., peuvent varier sans s’écarter du champ d’application de l’invention.

Ayant maintenant particulièrement décrit et déterminé la nature de notre dite invention et de quelle manière la chose doit être réalisée, nous déclarons que ce que nous revendiquons est : –

1.—Abri souterrain, caractérisé par une cloche cylindrique divisée par étages en une pluralité d’étages, communiquant ensemble par un escalier hélicoïdal disposé au centre.

2.— Méthode de construction de l’abri revendiquée dans la revendication 1, caractérisée par le fait qu’un caisson cylindrique vertical ouvert aux deux extrémités et doté d’une pluralité de planchers annulaires est construit et enfoncé dans le sol, l’évacuation de la terre et d’autres matériaux enlevés étant effectuée par l’ouverture centrale de ces étages, sur laquelle un escalier central est construit, puis une coupole recouvrant le caisson, ce dernier étant ensuite recouvert de matériaux de protection.

3.—Abri tel que revendiqué dans la demande 1, caractérisé par le pied qu’un puits pour évacuer quatre airs est disposé selon l’axe de la cloche et forme le noyau de l’escalier hélicoïdal.

4.— Abri tel que revendiqué dans la demande 1, caractérisé par le fait que le rayon de la cloche cylindrique est déterminé par la longueur d’une personne couchée, la largeur d’un passage circulaire, la bande de roulement d’un escalier hélicoïdal et le rayon du noyau creux de l’escalier.

5.—Abri tel que revendiqué dans la demande 1 et essentiellement tel que décrit et illustré.

Daté de ce 30e jour de novembre 1935.
HASELTINE, LAKE & Co.,
28, Southampton Buildings, Londres, Angleterre, et
19-25, West 44th Street, New York, États-Unis,
Agents pour les demandeurs.

Le brevet, tel que déposé au Royaume-Uni – Plans


Revue Vu, Charles Fenautrigues. 17 octobre 1934

Un article paru dans la Revue Vu expliquait l’approche préconisée pour les abris Gravereaux…

La protection contre les gaz par les abris Gravereaux

1934-10-17 Revue Vu no344 - Abris Gravereaux_wpEXISTE-T-IL des méthodes de protection efficaces contre les gaz, autres que les masques qui, à l’heure actuelle, ne sont guère en faveur?

De l’avis des plus hautes compétences, seul l’abri spécialement conçu et aménagé pour utiliser au maximum l’air intérieur et tout à la fois élever une barrière à l’entrée du gaz souillé par les gaz toxiques en ne laissant passer que de l’air filtré.

Il faut aussi prévoir le cas où l’air extérieur contient des gaz tels que l’oxyde de carbone, l’acide prussique, que les filtres ne peuvent arrêter. Alors, on procède à la régénération de l’air intérieur de l’abri d’une part en absorbant le gaz carbonique produit par la respiration des personnes abritées, d’autre part en fournissant à l’atmosphère de l’abri un appoint d’oxygène.

Bien entendu, il est toujours indispensable d’avoir une étanchéité parfaite pour éviter la rentrée des gaz nocifs. Pour obtenir ce résultat, la maçonnerie ne doit présenter aucune fissure, et les ouvertures telles que celles des soupiraux doivent soigneuse­ment être bouchées. De plus, l’étanchéité est augmentée par l’emploi des portes Gravereaux.

Pour que tous ces moyens de protection, une fois installés, puissent fonctionner utilement, il faut savoir à quel moment on doit les utiliser. Cette indication — indispensable — est fournie par les appareils Malsalles qui, non seulement réalisent la détection de tous les gaz et de toutes les pous­sières, mais encore mettent automatiquement en marche les appareils de filtration et de régénération.

Penchons-nous maintenant sur les détails de construction des abris Gravereaux.

Les portes Gravereaux sont en tôle emboutie et nervurée. Leur étanchéité est obtenue par un joint pneumatique dilatable qui s’applique dans les gorges aménagées sur le pourtour de la porte et sur le cadre.

La fermeture des portes est réalisée par une crémone à crémaillère qui actionne simultanément plusieurs pênes. À la fermeture, la manœuvre de la crémone provoque automatiquement l’admission de l’air comprimé dans le joint pneumatique et l’échappement de l’air à l’ouverture. Les principaux avantages de ces portes sont la perfection de leur étanchéité et leur facilité de manœuvre.

L’air vicié est aspiré d’abord dans l’atmosphère aussi haut que possible : cet air passe ensuite dans une batterie de filtres qui retient les gaz de combat tels que le phosgène, la chloropicrine, l’ypérite, après quoi il est réparti dans l’abri.

L’aspiration est calculée de façon à établir dans l’abri une surpression de 25 millimètres d’eau environ, destinée à rendre encore plus difficiles les rentrées de gaz nocifs. Cette aspiration est produite par un ventilateur actionné par un moteur électrique. Il est prévu comme secours pour commander le ventilateur un dispositif d’entraînement par pédales pour les petits abris, ou un moteur à explosion pour les grands abris. L’air d’alimentation de ce moteur est filtré à part et les gaz d’échappement sont refroidis, détendus et évacués hors de l’abri.

La tuyauterie d’aspiration comporte, à l’intérieur de l’abri, un dispositif qui permet à l’air aspiré à l’extérieur soit de traverser les filtres, soit d’entrer directement dans l’abri. La venue de la tuyauterie d’arrivée directe de l’air est commandée automatiquement par le détecteur Gravereaux conçu de telle sorte que la vanne se ferme automatiquement dès que l’air est vicié, ce qui a pour résultat d’obliger l’air à traverser les filtres avant de pénétrer dans l’abri. Quant à l’air vicié, il est aspiré par une canalisation, puis évacué automatiquement par une soupape hydraulique.

Un grave problème est, comme bien l’on pense, celui de la régénération de l’air contenu dans l’abri. Il n’est pas nécessaire d’absorber le gaz carbonique tant que sa teneur dans l’air de l’abri n’a pas atteint 1,5 %. De même on peut retarder l’appoint d’oxygène jusqu’au moment où sa teneur dans l’air devient inférieure à 17 % : on sait que la teneur en oxygène de l’air normal est de 21 %.

Quelques formules simples permettent de prévoir que pour un abri de mille mètres cubes, appelé à contenir deux cent cinquante personnes, il faudra absorber le gaz carbonique au bout de trois heures et, au bout de six heures, procéder à un appoint d’oxygène. D’ailleurs, ainsi que nous l’avons déjà dit, l’instant où la teneur en gaz carbonique devient dangereuse pour les occupants, l’absorption du gaz carbonique et la production d’oxygène sont réalisées par l’emploi des oxylithes (paroxyde de sodium) qui, sous l’action de l’humidité, dégagent de l’oxygène et absorbent le gaz carbonique. Une certaine oxylite dite oxylite S à base de bioxyde de sodium présente l’avantage d’absorber une molécule de gaz carbonique en produisant une molécule d’oxygène et deux molécules de soude caustique. Ce dernier résultat est très important parce que la réserve de soude caustique ainsi constituée permettra l’absorption du gaz carbonique produit pendant l’alerte suivante : on n’aura donc point à dépenser pour cette alerte une nouvelle charge d’oxylithe. Ainsi voit-on que la régénération de l’air dans un abri se fait en trois temps : 1° aucune épuration; 2° élimination du gaz carbonique à l’aide de la soude caustique, résidu d’une ancienne opération de régénération avec de l’oxylithe; 3° élimination du gaz carbonique et production d’oxygène par une nouvelle charge d’oxylithe.

Nous pensons qu’il n’est pas inutile d’insister ici sur le principe des détecteurs Gravereaux. Ces détecteurs utilisent la propriété qu’ont les gaz de devenir conducteurs de l’électricité sous l’action des rayons émis par le radium. L’intensité du courant varie avec chaque gaz et, dans le sens de la densité des gaz. De même les poussières et les fumées, dont les particules, par suite de leur frottement dans l’atmosphère, portent des charges électriques qui permettent la détection de ces pous­sières et fumées de la même façon que celle des gaz.

Les organes essentiels du détecteur Gravereaux sont deux cellules radioactives dans lesquelles on fait circuler lentement l’air à étudier. Ces cellules sont soumises à un champ électrique de telle sorte que la présence dans l’air d’un gaz, d’une poussière ou d’une fumée, produit un courant électrique que mesure un ampèremètre dont l’indication o de l’aiguille correspond à l’air normal. L’étalonnage de cet appareil est fait de telle manière qu’il peut servir non seulement à la détection, mais aussi au dosage d’un gaz dans l’air, à condition, bien entendu, que ce gaz soit seul mélangé à l’air. Les mesures sont presque instantanées : le retard est de l’ordre de deux à dix secondes.

Au moyen d’un relais à contact actionné par le courant produit dans les cellules radioactives, on peut adjoindre au dispositif de détection, un dispositif de signalisation automatique consistant soit en une lampe qui s’allumera à l’arrivée des gaz, soit en une émission par T.S.F. qui avertira à plusieurs kilomètres. Au moyen également du relais, on peut réaliser la fermeture automatique d’une ou plusieurs vannes.

Cette dernière application est tout particulièrement intéressante dans les abris contre les gaz. Elle permet en effet une fois l’abri fermé de réaliser automatiquement par des systèmes de vannes, la mise en marche du système de filtration ou du système de régénération, suivant la nature du gaz nocif et également leur arrêt au moment où l’air extérieur est redevenu normal.

Les appareils sont d’une sensibilité extrême et assurent d’une façon parfaite la détection d’un gaz quelconque contenu dans l’air, à une teneur très inférieure à la teneur dangereuse.

Sans doute nos lecteurs seront-ils heureux de connaître les principes de la ventilation dans les abris Gravereaux.

Un détecteur de gaz carbonique commande directement, par l’intermédiaire d’un contacteur à relais, le moteur du ventilateur. Dès que la teneur en gaz carbonique devient dangereuse, le détecteur fonctionne et assure la mise en marche auto­matique de l’électroventilateur. À ce moment les vannes automatiques sont ouvertes et assurent ainsi la ventilation ordinaire. Au refoulement du ventilateur, une prise d’air alimente un deuxième détecteur de fumées et de gaz de combat. Dès.que des traces infimes en sont détectées, l’appareil fonctionne et, automatiquement, la vanne se ferme. L’air pollué est obligé de traverser le filtre d’où il ressort épuré.

La commande automatique des vannes étant répétée par des avertisseurs lumineux et sonores, on manœuvre ensuite l’inverseur pour armer la commande automatique de la vanne. Si l’action du filtre devient inefficace, un second détecteur fonctionne, commandant la fermeture de la vanne automatique, ce qui interrompt l’aspiration de l’air extérieur.

L’air est ensuite régénéré en circuit fermé, jusqu’à ce qu’il soit possible de se servir à nouveau du filtre.

Les vannes ne sont à commande automatique que pour la fermeture; on supprime ainsi tout risque de fausse manœuvre. Par contre, un contacteur commandé par le détecteur de gaz carbonique assure automatiquement l’arrêt et la mise en marche de l’électroventilateur.

De cette façon, soit en circuit ouvert par le renouvellement de l’air, soit en circuit fermé par la régénération, la ventilation est automatiquement réglée par la teneur en gaz carbonique, le ventilateur se mettant en marche quand la proportion de gaz carbonique devient dangereuse et s’arrêtant quand l’air de l’abri est renouvelé ou convenablement régénéré.

On n’a pas de peine à voir que les abris Gravereaux offrent, dans tous leurs détails, une parfaite sécurité de mécanique et de contrôle. Nul doute qu’ils ne rencontrent un gros succès. D’ailleurs, nombre de leurs perfectionnements, par exemple les filtres, satisfont aux dernières exigences des ministères de la Guerre et de la Marine.

Charles Fenautrigues
Revue Vu, 17 octobre 1934


L’Aéro. H.B. 29 mars 1935

Quelques mois plus tard, c’est autour du journal L’Aéro, de rédiger un article sur le sujet à l’intention de ses lecteurs et de faire une description détaillée d’un tel abri…

Un remarquable abri type est édifié à 1935-03-29 L'Aéro_wpParis

Les problèmes que pose l’organisation de la défense passive, notamment en ce qui concerne la protection des populations civiles, sont tellement vastes et complexes qu’ils peuvent difficilement être étudiés sur tous leurs aspects et résolus par l’État seul. Les villes intéressées, les municipalités, les particuliers eux-mêmes doivent apporter leur contribution à ce travail.

C’est à cette intention que la Maison Gravereaux a étudié un abri dont les particularités très intéressantes en font certainement le prototype de l’abri moderne pour les populations civiles.

À l’encontre de ceux généralement construits jusqu’ici et qui s’étendent sur une grande surface, lorsqu’ils veulent pouvoir recevoir un grand nombre de personnes, celui-ci n’occupe en plan qu’une surface très réduite. Il est établi en profondeur et se présente grosso modo sous la forme d’un cylindre d’un diamètre réduit (6 m 60) et de 12 mètres en hauteur, fermé en dessus et en dessous par des voûtes en béton.

Il comporte quatre étages de 2 mètres de hauteur libre chacun (entre plancher et plafond), un réservoir d’eau étant prévu dans la voûte supérieure et une sorte de cave pouvant servir de réserve à vivres se trouvant sous le plancher du dernier étage inférieur.

La dimension de cet abri lui permet d’être installé sous une cour d’immeuble, par exemple, et il est prévu au-dessus de la voûte supérieure, qui a déjà une épaisseur de 1 mètre, une couche de terre de 1 mètre et une dalle d’éclatement en béton de 0 m 50. Rien d’ailleurs ne semble empêcher que l’abri soit enterré plus profondément si on le désire.

L’étage supérieur, par où l’on entre dans l’abri soit par l’accès normal, soit par un accès de secours, comporte un sas d’entrée et un sas de secours, tous deux séparés de l’extérieur par deux portes étanches, dont l’une (la porte extérieure) est établie sur le même principe que les fermetures de sous-marins.

Du sas d’entrée il est possible d’aller directement dans la salle de douches destinée aux personnes qui auraient pu être atteintes par les gaz. Sur le même étage se trouvent une petite infirmerie et une partie de la machinerie. Celle-ci se compose de l’appareillage nécessaire pour la ventilation de l’abri, soit que l’air soit aspiré de l’extérieur, soit que par suite d’existence de gaz à l’extérieur, il soit nécessaire de n’utiliser que l’air de l’abri que l’on régénère continuellement. Un détecteur chimique décèle le degré d’impureté de l’air et le moment où il faut passer d’un système de ventilation à l’autre. Les bouteilles à oxygène sont d’ailleurs installées à l’étage supérieur.

L’éclairage est prévu, soit par branchement sur les circuits extérieurs, soit par production de courant grâce à un groupe électrogène installé sous le couloir d’accès à l’abri.

L’eau joue un rôle important dans le fonctionnement normal de l’abri. La réunion d’un grand nombre de personnes (l’abri peut en contenir 200) dans un volume aussi réduit amène rapidement une grande élévation de température. Un système a donc été prévu pour la réfrigération de l’air ainsi que des parois. Celles-ci comportent à l’intérieur une circulation d’eau continue.

Un autre circuit d’eau prévu est celui destiné à l’alimentation des lavabos. À chaque étage, en effet, se trouvent installés trois w.-c. et une toilette. L’eau nécessaire provient du réservoir supérieur. Après utilisation, elle arrive dans un réservoir spécial d’où elle est rejetée à l’égout à l’aide d’une pompe.

L’alimentation du réservoir supérieur est assurée par une pompe qui puise sous l’abri (on trouvera l’eau presque toujours à quelques mètres sous l’abri sinon avant même le fond de ce dernier).

En outre d’un escalier central, une trappe de grandes dimensions peut servir à la liaison entre les étages.

Tout un équipement annexe est naturellement prévu pour faciliter le séjour dans l’abri.

La création de cet abri est particulièrement intéressante en ce sens qu’elle a permis aux techniciens, qui se sont consacrés à sa réalisation, de se créer une expérience particulière de la technique spéciale de ces abris.

Les grandes usines de défense nationale, les services publics, les écoles devront certainement dans un avenir prochain (et le Parlement s’en préoccupe) disposer d’abris conçus dans cet esprit. Ils trouveront là une expérience précieuse.

Voyons un peu ce qui est fait par l’Allemagne aussi bien que par nos alliés. Il ne s’agit là que d’un ensemble de mesures de sécurité dont nous souhaitons ardemment qu’elles n’aient jamais à servir.

Ce n’est point suffisant pour n’y pas songer activement.

H.B.
L’Aéro, 29 mars 1935


Le Figaro. 16 avril 1935 

Dans l’une de ses éditions, Le Figaro en fait une présentation détaillée…

Deux cent cinquante réfugiés, sous une coupole de quarante mètres carrés

L’abaissement du prix de revient par les réalisations en série a mené quelques constructeurs à étudier des abris standards.

L’abri que les établissements Gravereaux viennent de construire dans leurs usines, 40, rue de Paris, à Boulogne, est le prototype d’un abri standard enterré de contenance variable.

« Notre abri standard, nous dit-on chez Gravereaux, est un véritable monolithe cylindrique construit en béton ciment armé, vibré, très homogène, qui donne en même qu’une résistance supérieure une grande étanchéité.»

L’abri est indépendant des constructions existantes, auxquelles il peut être relié par des galeries d’accès, si besoin est.

En cas d’alerte

Si l’alerte est sans gaz, l’air est pris extérieurement au moyen de gaines, passe dans un laveur-épurateur à eau et est distribué dans l’abri au moyen d’une tuyauterie ceinturant les étages. La reprise d’air vicié se fait par le moyen de l’escalier, qui constitue une gaine percée de trous dans toute sa hauteur. Par l’effet de surpression, l’air vicié s’évacue automatiquement à l’extérieur.

Quand le détecteur chimique signale la présence d’un gaz dans l’air extérieur, on déclenche instantanément la fermeture des vannes d’air.

L’abri devient alors un local absolument clos; il est donc nécessaire de régénérer l’air. L’air vicié est alors repris et refoulé vers un absorbeur à gaz carbonique dans lequel il passe au travers, d’une pulvérisation de solution qui provoque la réaction de fixation du gaz carbonique. L’air qui est humide et renferme des traces de soude passe ensuite dans un dessécheur qui fixe l’humidité et les traces alcalines. Pour compléter la régénération, on insuffle dans la tuyauterie l’oxygène nécessaire (25 litres-heure et par personne), qui provient d’un groupe de bouteilles commandé par un tableau gradué en nombre de personnes.

Le temps que l’on pourra rester en vase clos en régénérant l’air est fonction des réserves d’oxygène et de soude.

Dans l’abri standard Gravereaux, appareil et réserve sont prévus pour une durée de 12 heures et 200 personnes.

La surface nécessaire au logement de 200 personnes étant répartie en quatre étages, sa surface horizontale n’est que de 40 mètres carrés environ, c’est-à-dire le quart de la surface qu’il faudrait pour un abri de même capacité, mais d’un seul étage ; il est donc certain que notre abri est, sous ces rapports, quatre fois moins vulnérable.

Indépendant, il n’y a pas à craindre de troubles dans la construction, au cas où les immeubles avoisinants seraient touchés par des explosifs.

La coupole de notre abri standard, conclut notre interlocuteur, avec un mètre d’épaisseur de ciment armé sous une dalle d’éclatement de 50 cm. d’épaisseur de béton armé par couche avec matelassure d’air, et un mètre de terre, met notre abri à l’épreuve même d’un coup au but.

Le béton est rendu étanche en cours de construction par vibration.

Les accès sont munis de portes étanches; ces portes étanches sont formées d’une plaque de tôle emboutie de 5 m/m d’épaisseur, nervurée pour répartir la résistance; l’étanchéité est obtenue par joints pneumatiques à gonflement instantané au moment de la fermeture de la porte. Les matériaux employés, le mode de construction, aussi bien que les portes étanches garantissent l’abri contre le danger des bombes incendiaires.

Le Figaro, 16 avril 1935