1950 – Henry-Gérard expose à Paris

Galerie Drouant-David, Paris. 18 avril – 2 mai 1950

Après avoir travaillé seul, pendant des années, dans ce midi qu’il affectionne particulièrement Henry-Gérard vient chercher à Paris une consécration méritée.

On souhaiterait qu’en une époque où il est de bon ton d’arriver vite, souvent même avant que d’être parti, l’exemple d’Henry-Gérard, qui se présente avec un important bagage, fût plus souvent suivi.

Ayant vécu jusqu’ici à l’écart de toute chapelle, Henry-Gérard ne se réclame d’autre école que de celle des francs-tireurs de la peinture. La satisfaction d’avoir fait du bon travail le dédommage amplement de ses peines. Il est de ceux qui trouvent dans leur art non seulement le seul moyen d’expression valable, mais aussi l’occasion, chaque jour répétée, de se livrer à de passionnantes recherches.

Il fut, à ses débuts, un excellent élève de Souverbie; depuis, solitaire, il se fraie durement, avec toute sa volonté, le chemin qu’il s’est choisi et, s’il n’oublie pas les leçons du maître – certains de ses nus l’attestent – , il a su assez bien les assimiler pour se créer une écriture personnelle.

Ceux qui veulent à tout prix, comme il est de mode aujourd’hui, cataloguer, étiqueter chaque peintre, resteront bien embarrassés devant l’œuvre d’Henry-Gérard. Bien embarrassés mais aussi, pourquoi pas ? séduits devant ces compositions où les apports des fauves et des cubistes ont été si intelligemment utilisés, où le goût des tons chauds s’allie à celui de l’architecture sans jamais, pour autant, conduire aux poncifs littéraires.

On le sent passionné à résoudre ces deux problèmes d’importance primordiale.

Chaque fois, il leur trouve une solution satisfaisante. Ici, c’est une scène de cirque où le blanc des personnages, sous la lumière crue des projecteurs, s’oppose aux jeux d’ombres fantastiques; là, ce sont « Les quatre saisons », le « Jugement de Pâris » et bien d’autres toiles encore où les lignes, à travers une grande liberté d’exécution, s’équilibrent se prolongent, sur le plus agréable des rythmes.

Ce goût, cette passion des recherches architecturales qui se traduit aussi par des oppositions de plans et de volumes, s’exprime encore par une matière souvent profondément travaillée. L’artiste prépare ses empâtements avec un soin particulier, jouant avec bonheur des transparences et des glacis.

Surtout qu’on n’aille pas croire qu’un tel souci de la forme et des tons puissent annihiler toute sensibilité. Ce n’est point le cas. La passion des lignes, – et quelques dessins témoignent assez à quel point l’artiste s’y soumet -, la recherche des plans colorés, ne brident nullement l’inspiration d’Henry-Gérard. Au contraire.

Chacune de ses compositions, chacun de ses nus est mieux qu’une expérience, c’est une œuvre achevée qui a son caractère propre, son style plus ou moins dépouillé, plus ou moins figuratif, puisqu’il faut, hélas bien employer ce terme, mais qui, toujours provoque ce choc émotif sans lequel il n’est pas de véritable œuvre d’art. Des œuvres qui sont celles d’un artiste sincère, honnête, en pleine possession de son métier et qui dit bien ce qu’il a à dire. Ce n’est pas si commun aujourd’hui.

Pierre Imbourg

Œuvres exposées

  • Saint-Denis
  • Le Calvaire
  • L’Enfant Prodigue
  • Le Cirque
  • Pâris (3 personnages)
  • Pâris (4 personnages)
  • Relevailles
  • Vue sur la Ville
  • Idylle
  • Saltimbanques
  • L’Aurore
  • Danseurs
  • Nu debout (femme)
  • La Fenêtre
  • L’Eau
  • Nu debout (homme)
  • Mise au tombeau
  • Le pêcheur
  • Descente de croix
  • Le Marocain
  • Les Saisons
  • Le Feu
  • Le Faune
  • Odalisque (vert)
  • Odalisque (orange)
  • Homme au cheval

Dans la presse

Pierre Imbourg. Journal de l’amateur d’art, 14 avril 1950

C’est un peintre presque inconnu du public parisien que présente la Galerie Drouant-David. Henry Gérard, en effet, expose pour la première fois à Paris. Ce qui ne signifie pas qu’il en soit à ses débuts. Bien au contraire. Seulement il a attendu d’être en pleine possession de son métier pour sortir de sa retraite du Midi où il travaillait silencieusement, depuis des années.

Il fut à ses débuts l’un des meilleurs élèves de Souverbie. Aujourd’hui, s’il ne renie pas son maître, Henry Gérard a, cependant, trouvé un mode d’expression bien personnel.

Après avoir goûté du cubisme et de l’école fauve, il a su s’en assimiler la substantifique moelle pour arriver à une écriture bien à lui. Une écriture qui témoigne avant tout d’une recherche passionnée des lignes et de la couleur.

Sur un fond longuement préparé, les lignes courent, se prolongent sur le plus agréable des rythmes, délimitant des plans colorés qui s’opposent, se complètent pour former de savantes harmonies.

Il puise ses sujets aussi bien dans la vie quotidienne; au cirque par exempte, que dans son imagination. Il en tire des pages parfois empreintes d’une certaine poésie et devant lesquelles on ne reste pas insensible.

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À travers les galeries d’art. Carrefour, 25 avril 1950

HENRY-GERARD

Henry-Gérard se révèle le peintre par excellence de son temps en ce sens qu’il s’est assimilé avec une rare faculté – et sous le signe d’une intelligence extrêmement sensible — l’apport spirituel des fauves et des cubistes lesquels ont tout suggéré, depuis Cézanne de directives aux artistes. L’orchestration des couleurs, le jeu des volumes et des lignes expressives, de ce peintre de l’humain dont les compositions originales ne manqueront pas d’exciter l’intérêt.

L’un des mérites d’Henry-Gérard qui, il y a une quinzaine d’années, reçut les conseils de Souverbie, est d’avoir voulu travailler en solitaire, loin de Paris, sans monter à personne le résultat de ses recherches. Aussi l’œuvre qu’il expose aujourd’hui pour la première fois à la galerie Drouant-David est-elle proprement surprenante. Non seulement elle se distingue par l’unité de l’ensemble de vingt-six toiles remarquables qui empruntent à l’histoire chrétienne, à la mythologie et à l’homme en général ses thèmes éternels, mais elle accuse encore et surtout un style, celui d’un artiste qui, hanté par tous les problèmes plastiques plus ou moins abstraits de son époque a su, en dépit de ceux-ci, rester très personnellement dans la vie.

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Paris-Presse l’intransigeant, 26 avril 1950

 

UNE EXPOSITION

Henry-Gérard
Galerie Drouant-David

Henry-Gérard fait, chez Drouant-David, sa première exposition. Ce peintre est un sage. Il a attendu plus de quinze ans avant de montrer un ensemble de ses œuvres.

Si on lui parle de son talent, il exalte celui de Souverbie, son maître. Pourtant, il se dégage de plus en plus de son influence.

Il aime la matière somptueuse. C’est pourquoi il reprend souvent un tableau commencé il y a six ans après l’avoir laissé reposer comme on fait avec un vin précieux. Tout est, chez lui, occasion picturale. En écoutant à la radio un poème de Supervielle il en a tiré sa « Fuite en Égypte ».

« Je lis de moins en moins les livres d’art, dit-il. Je n’en al plus besoin. Il me suffit de regarder les fleurs de mon jardin pour y puiser des forces nouvelles. – R.B.